La low-tech sans la remise en cause de la société industrielle, c’est du bidouillage

Le mouvement low-tech, comme nombre de variations de l’écosystème écologique, se divise sur les objectifs à atteindre et sur les moyens d’y arriver. La phrase « Ça va dans le bon sens » semble clore ce genre de débat, comme si se contenter de faire « mieux que si c’était pire » réconfortait les personnes doutant des moyens d’actions. Réflexions.

Enfin, c’est très personnel, mais le côté politique assumé que je viens de lire sur le site Internet ne me semble vraiment pas nécessaire. À mon avis, il y a assez d’éducation sur les low-tech à faire sans noyer les messages dans des discours politiques clivants. Je ne vois pas en quoi les low-tech sont nécessairement politiques.

Encore un message reçu pour questionner la dimension politique assumée de la fresque des Low-techs. Revenons aux fondamentaux : tout comme, par définition, la low-tech s’oppose à la high-tech, la low-tech invite à repenser l’organisation de la société pour sortir de l’aliénation imposée par le machinisme et le société industrielle. Pour paraphraser la maxime « L’écologie sans la lutte des classes c’est du jardinage », proposons « La low-tech sans la remise en cause de la société industrielle, c’est du bidouillage ».

La convivialité d’Ivan Illich, une référence incomprise

Le mouvement low-tech se revendique généralement de références intellectuelles prestigieuses, et bien souvent, « La convivialité » d’Ivan Illich figure en bonne place dans les bibliographies. Pourtant, à lire les développements autour du terme low-tech, vocable que n’a jamais revendiqué Illich, difficile de croire que « La convivialité » a réellement été lu et compris. Toujours, les mêmes citations sur l’outil convivial ressortent, et soigneusement, le message principal du livre reste à l’écart, peut-être parce que sa dimension politique dérange.

Je vous propose deux citations extraites par mes soins.

« la limitation de l’outillage restera lettre morte tant qu’une nouvelle théorie économique n’aura pas atteint le stade opérationnel pour assurer la redistribution dans une société décentralisée »

Ivan Illich, La convivialité

Sans aller jusqu’à une analyse poussée de cette œuvre, difficile de ne pas voir dans ces quelques citation une dimension politique claire d’un des ouvrages fondateurs de la pensée low-tech.

« Si nous voulons pouvoir dire quelque chose du monde futur, dessiner les contours théoriques d’une société à venir qui ne soit pas hyper-industrielle, il nous faut reconnaître l’existence d’échelles et de limites naturelles. […] Passé un certain seuil, l’outil, de serviteur, devient despote. […] Alors il sera possible d’articuler de façon nouvelle la triade millénaire de l’homme, de l’outil et de la société. »

Ivan Illich, La convivialité

La portée de La convivialité d’Ivan Illich ne peut se résumer en deux citations. Cet ouvrage nécessite plusieurs lectures tant la profondeur des idées demande une phase de digestion et de confrontation. Mais citer cet ouvrage en niant sa portée politique relève de la mascarade.

Une dimension politique de la low-tech indéniable

Tant d’autres livres dénonçant le gigantisme de la société industrielle et l’inéluctabilité de sa technique auto-accroissante d’auteurs tels que Jacques Ellul, Lewis Mumford, ou Ernst Schumacher appartiennent au corpus idéologique revendiqué par la low-tech. Utiliser le terme low-tech en niant sa dimension politique, c’est ne pas assumer un statut de bidouilleur très loin des enjeux de notre époque.